Appel à communications : 2e édition du colloque Intersections du design

Prendre soin par le design

Dans le cadre du prochain congrès de l’ACFAS qui se tiendra à Sherbrooke (Québec), en partenariat avec la revue Sciences du Design, le groupe de recherche Design, innovations et humanismes, le groupe de recherche Design et société, le Centre interdisciplinaire de recherche en opérationalisation du développement durable (CIRODD), la Chaire de recherche Concordia Integrated Design, Ecology And Sustainability for the Built Environment (IDEAS-BE), et la Chaire de recherche UQAM en design pour la cybersanté mentale (DIAMENT), aura lieu la deuxième édition du colloque Intersections du design.

Chercheurs et designers de toutes disciplines sont invités à soumettre une proposition de communication à ce colloque qui aura lieu les :

4 et 5 mai 2020.

Thématique

L’éthique du care et le design

Apparue aux États-Unis dans les années 1980, l’éthique du care est une manière de penser la morale fondée sur le souci des autres (sollicitude) et l’acte de « prendre soin ». Ancrée dans le réalisme des contextes où les dilemmes émergent (Giligan, 1982), la situation de soin fournit aujourd’hui le paradigme de cette morale, qui s’inscrit en faux contre les morales rationnelles, notamment la théorie de la justice rawlsienne (Tronto, 1993).

Étayée sur un sentiment de responsabilité à l’égard d’autrui et de ses besoins, l’éthique du care concerne à l’origine les tâches de soin impliquées par les diverses formes de vulnérabilité (soin parental, traitement de la dépendance, travail social). Formulant à l’égard de la relation marchande une critique similaire à celle de la théorie du don, l’éthique du care attache donc une qualité morale particulière à l’acte d’aider les autres.

Le rapprochement entre la logique du care et la logique du design trouve sa source dans deux arguments. Le premier remonte sans doute à la réflexion développée en 2002 par Victor Margolin et Sylvia Margolin à propos du « design social ». Inspiré du travail social, le design social selon eux vise la satisfaction des besoins des populations vulnérables ou marginalisées, comme celles à faibles revenus ou ayant des besoins particuliers en raison de leur âge, leur santé ou leur handicap. De ce point de vue, le design social offrirait une illustration patente de ceci que le design suppose une forme de sollicitude et appelle un acte de soin. Le second argument relève de l’attachement fondamental des diverses pratiques du design à l’expérience-usager comme guide essentiel de l’action.

Problématique

Intitulée « Prendre soin par le design», cette deuxième édition du colloque Intersections du design souhaite examiner quelle sorte d’éclairage la notion de care peut offrir aux recherches et pratiques actuellement menées dans les disciplines du design en abordant, entre autres, les enjeux problématiques suivants : quel rôle la sollicitude joue-t-elle en design ? Quelles formes le soin au sens large prend-il dans la pratique du design ? Quelles qualités morales, quelles conceptions du bien s’expriment en design ?

Objectifs

Le colloque poursuit trois objectifs :

  • développer une meilleure compréhension des enjeux et défis (théoriques, conceptuels, méthodologiques, créatifs, etc.) entourant le design et le soin ;
  • réfléchir au potentiel du care pour la pratique éthique du design dans le but de soutenir le développement responsable de la profession ;
  • croiser les regards et identifier des opportunités de collaboration entre les acteurs des milieux académiques, professionnels et institutionnels.

Format

Les interventions attendues prendront la forme de conférences (études de cas, recherches en cours, description de pratique, etc.), éventuellement étayées sur des démonstrations d’artefacts, et seront organisées autour de cinq sessions.

  • Session 1 : Environnement, climat, espèces
    Le design, comme de nombreuses disciplines, doit s’inscrire dans une pratique socialement responsable qui, au-delà de placer le bien-être des usagers au cœur de son approche, doit également évoluer dans une culture du projet visant « à faire plus avec moins » ou « à faire dans un monde limité ». Le designer doit anticiper l’impact de sa pratique sur les changements climatiques, les écosystèmes et ses espèces et, de façon plus générale, sur l’environnement. Dans ce contexte, le designer est-il suffisamment outillé pour répondre à l’ensemble de ces enjeux ? Les concilier dans sa réalité professionnelle peut être un défi et engendrer des dilemmes allant à l’encontre de la culture d’entreprise, de son éthique et de la transition écologique et solidaire en cours. Comment prendre soin de l’environnement, du climat, des espèces, par le design ?
  • Session 2 : Villes, architectures, territoires
    L’architecture joue un rôle central dans l’aménagement des villes et des territoires. Elle permet la création d’espaces publics, de logements, de lieux de travail ainsi que d’aires de loisirs, de divertissement et de création, en devant conserver sa place de témoin privilégié de l’histoire. Alors que de plus en plus d’alternatives apparaissent (nouveaux matériaux, nouvelles technologies, etc.) en vue de permettre de relever les défis d’aménagement des villes et territoires dans une perspective de transition écologique et solidaire, les architectes et designers semblent avoir perdu de vue les préoccupations essentielles liées à l’expression, la contextualité, la fonctionnalité et l’esthétique qui représentent les fondations historiques de l’architecture et, plus fondamentalement, les repères et guides à l’origine de la construction des villes. Bien que la technologie fasse partie des alternatives à considérer dans l’aménagement de nos villes et territoires, il demeure essentiel de s’interroger avec plus de sensibilité sur la signification de la ville de demain, ses implications sur la conception de l’architecture et de nos territoires, au-delà même des traditionnels modes opératoires technocentriques. Comment prendre soin des villes, des architectures, des territoires, par le design ?
  • Session 3 : Démocratie, éducation, institutions
    L’émergence récente en design des enjeux qui concernent la réception des objets, c’est-à-dire leur adoption dans la vie quotidienne, s’est faite à la faveur d’une longue transformation qui s’est étendue aux objets immatériels, informatiques et, plus récemment, aux services publics et aux politiques. Aujourd’hui, le design est fréquemment sollicité pour soutenir l’engagement citoyen et bonifier les processus démocratiques. Or, ce design, dit de services et de politiques publiques, implique d’accorder une importance centrale à l’effet, ou l’impact, qui est recherché par l’institution auprès des populations concernées. Il s’agit là d’un bouleversement pour la pratique du design qui, en déplaçant sa focale des problèmes de conception vers les problèmes de réception, met au jour l’acuité des enjeux éthiques qu’elle soulève. Comment prendre soin de la démocratie, de l’éducation, des institutions, par le design ?
  • Session 4 : Santé, plaisir, bien-être
    L’intervention du design dans le milieu de la santé est de plus en plus fréquente, tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Que ce soit pour repenser l’expérience patient à l’hôpital, améliorer la qualité de service délivrée aux usagers du système de santé, ou encore tirer parti des technologies numériques pour l’accès aux soins et le suivi des pathologies chroniques, le secteur de la santé prend de plus en plus conscience du pouvoir d’humanisation du design, dans un contexte où les longues files d’attente et les coupes budgétaires mettent en tension le système des soins. Au-delà de la santé stricto sensu, c’est toute la question du bien-être qui est posée, et même du plaisir, sous toutes ces formes (jeu, divertissement, sexualité, etc.). Comment prendre soin de la santé, du plaisir, du bien-être, par le design ?
  • Session 5 : Patrimoines, cultures, identités
    La pratique du design peut créer un trait d’union entre patrimoine et innovation, et être utilisée comme levier d’autonomisation culturelle de communautés directement visées par des politiques d’assimilation. Cependant, l’intervention du design dans le patrimonial et l’identitaire expose aussi à toutes sortes de transformations et d’usages malvenus, allant à l’encontre des intérêts des populations concernées. Par ailleurs, le design est de plus en plus souvent considéré comme un outil dans les institutions culturelles (centre culturel, musées) pour participer à la conception d’expositions, pour l’animation des activités, pour la mise en valeur des artistes ou encore pour contribuer à l’expérience des usagers de ces espaces. Cela pose des questions sur le bon usage des pratiques de design, sur la description des pratiques et la réalité des actions menées. Comment prendre soin des patrimoines, des cultures, des identités, par le design ?

Soumission et sélection

Le colloque est ouvert à tous les chercheurs, émergents ou confirmés ; à tous les praticiens, établis ou en début de carrière ; et à tous les étudiants des cycles supérieurs (maîtrise, doctorat).

  1. Les personnes souhaitant proposer une intervention doivent faire parvenir un titre (180 caractères espaces comprises maximum) et un résumé (1 500 caractères espaces comprises maximum), en précisant leur nom, leur statut, leur établissement d’attache, leur courriel, ainsi que la session thématique à laquelle leur proposition se rattache. Les propositions doivent être transmises par courriel à design.acfas2020@gmail.com au plus tard le 21 février 2020.
  2. Les résumés seront évalués par un comité scientifique sur la base des critères suivants : a) pertinence/originalité du sujet; b) qualité de l’approche méthodologique ou de la démarche ; c) contribution à l’avancement des connaissances ou des pratiques.
  3. Une réponse aux auteurs est prévue entre fin février / début mars 2020.

Comité scientifique et professionnel

  • Sylvain Allard (UQAM)
  • Izabel Amaral (Laurentien University)
  • Luce Beaulieu (CIRODD)
  • Laureline Chiapello (UQAC-NAD)
  • Colin Côté (Université Laval)
  • Audrey Desjardins (University of Washington)
  • Cynthia Fleury (CNAM)
  • Yaprak Hamarat (Université de Montréal)
  • Éric Kavanagh (Université Laval)
  • Rudi Meyer (NSCAD University)
  • Alexandre Monnin (ESC Clermont)
  • Nicolas Nova (HEAD – Genève et Médialab Sciences-Po)
  • Louise Pelletier (UQAM)
  • Sébastien Proulx (The Ohio State University)
  • Martin Racine (Concordia University)

Bibliographie

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