Le design, un art à parfaire : enquête (à venir) sur la pratique des designers sociaux

par Thomas Coulombe-Morency

Depuis les dernières décennies, nous assistons à une véritable extension du domaine du design. D’une activité essentiellement tournée vers la conception de produits et ancrée dans un mode de production industrielle, le design apparaît aujourd’hui sous de nouvelles formes qui revendiquent « une spécificité qui peut être de l’ordre du métier, de la méthode, du champ social concerné, de la finalité, etc. » (Vial, 2015, p. 51). Parmi celles-ci, on recense notamment le design social, à savoir une forme du design regroupant un ensemble de professionnels s’engageant dans une disqualification d’un état d’affaires qu’il juge insatisfaisant, notamment le design tel qu’il est actuellement. Il incombe entre autres pour ces professionnels de renverser le primat de la finalité marchande sur la pratique du design et de lui substituer une finalité jugée supérieure, à savoir l’impact social (Vial, 2015). Le design social se présente donc comme une activité dont la principale motivation est de promouvoir un changement social positif dans la société (Tromp et Hekkert, 2017 ; Resnik, 2019).  

Que nous apprennent donc ces designers critiques des normes, des valeurs et des institutions qui sont l’héritage d’une certaine histoire du design sur la pratique elle-même du design ? Telle est l’une des grandes questions sur laquelle se penche cette deuxième séance du webinaire Design et Société. Celle-ci réclame que nous portions notre attention non seulement sur ce que l’on entend par pratique du design, mais plus spécifiquement par pratique. Pour soutenir notre réflexion, cette question sera discutée et examinée sur la base du concept de pratique que nous offre le philosophe américain Alasdair MacIntyre.

Figurant parmi les plus éminents critiques de l’état de la morale au temps de la modernité, MacIntyre, comme plusieurs autres néo-aristotéliciens d’ailleurs (par exemple, Elisabeth Anscombe), envisage la vie comme étant téléologiquement ordonnée (c’est-à-dire, une vie humaine orientée vers la réalisation de sa nature essentielle). Or, contrairement à Aristote, MacIntyre « envisage cet ordre plutôt en termes de pratiques sociales que de fonctions naturelles culturellement invariantes » (Haldane, 2004). En effet, pour MacIntyre, les pratiques constitueraient le contexte principal de développement moral des individus. C’est à partir des pratiques que les individus seraient à même de pouvoir répondre aux questions éthiques les plus fondamentales, à savoir : quel type de vie dois-je mener ? À quelle type de personne est-ce que je souhaite m’identifier ?

Par contre, ce ne sont pas toutes les activités qui sont en mesure de revendiquer un statut de pratique au sens où l’entend l’auteur. En effet, la conceptualisation de la pratique qu’il propose dans son livre phare After Virtue (1984) dépasse largement le cadre de la maîtrise de certaines compétences techniques ou de règles à suivre (Higgins, 2010 ; Knight, 2008, Proulx, 2019). Pour MacIntyre, chaque pratique requiert ces deux éléments, mais n’est pas définie exclusivement par eux. S’engager dans une pratique, selon lui, reposerait davantage dans le partage et la poursuite de biens qui sont spécifiques à cette pratique. Ces biens « internes » (ou biens d’excellence) prennent la forme de différents standards d’excellence. Certains se trouvent dans les productions des praticiens (par exemple, excellence de produits) alors que d’autres se trouvent dans les praticiens eux-mêmes (par exemple, excellence de caractère). Pour MacIntyre, les standards d’excellence sont les meilleures approximations de la perfection que nous offre à ce jour une pratique. Ils fournissent une conception d’un travail final parfait, de même qu’une vision distinctive de ce qui vaut la peine d’être atteint. Les praticiens visent donc ces standards ; ils les cultivent et cherchent à les dépasser. C’est donc par la compréhension et l’émulation des standards d’excellence propre à une pratique (et non pas par l’application de règles et de procédures) qu’un individu serait à même d’actualiser ses propres potentialités (Knight, 2008). 

Néanmoins, afin de pouvoir assurer l’actualisation des potentialités des praticiens, les pratiques doivent faire appel aux institutions. Ces dernières, au même titre que les pratiques, seraient animées par la poursuite de biens, mais de biens que MacIntyre qualifie cette fois comme étant externes à la pratique (ou des biens d’efficience), c’est-à-dire qu’ils peuvent être acquis de différentes façon et pas uniquement par l’exercice de la pratique elle-même (par exemple, la richesse, le pouvoir, le rang social, etc.). Contrairement aux biens internes, les biens externes (ou d’efficience) sont de nature instrumentale. Ils consistent en des moyens permettant d’atteindre une fin désirée. Ainsi, par l’acquisition, l’accumulation, la distribution et l’utilisation de ces biens, les institutions apparaissent comme étant fondamentales afin d’assurer le maintien et le développement des pratiques, si bien que les pratiques et les institutions formeraient selon l’auteur « un seul ordre causal » (MacIntyre, 1984, p. 189). Or, même si la relation entre la poursuite de ces deux types de biens apparaît de prime abord comme étant symbiotique, elle est également source de conflits potentiels et de tensions inévitables. En effet, comme le souligne MacIntyre :

« Si intime est le rapport des pratiques aux institutions (et donc la relation entre biens externes et biens internes de ces pratiques), qu’elles forment un seul ordre causal où les premières sont toujours menacées par les secondes : les idéaux et la créativité sont compromis par le goût de la compétition, l’intérêt coopératif pour les biens communs est compromis par la compétitivité » (idem). 

Partant de cette posture théorique, il est possible de réfléchir à différentes questions. Par exemple, l’activité du design social, de même que l’engagement critique des acteurs y jouant un rôle, met-elle en perspective une problématique plus fondamentale quant à l’état du design (de même que d’autres pratiques) au temps de la modernité, à savoir une pratique « perdue dans les institutions destinées à les servir et submergée par la culture bureaucratique et instrumentale » [traduction libre] (Higgins, 2010, p.381) ? Sur le plan de la pratique du design, de ce qui la caractérise et de sa potentielle évolution, l’activité des designers sociaux contribue-t-elle à faire avancer (voire à dépasser) les standards d’excellence de la pratique  ? Peut-elle tracer les contours d’une vision distinctive de ce qui vaut la peine d’être atteint en design (d’une nouvelle conception du « travail final parfait ») ? Permet-elle le développement de modèles d’identification professionnelle inspirants pour les designers en quête d’épanouissement ? Finalement, l’activité des designers sociaux peut-elle être l’expression d’une pratique authentique en design ? L’expression d’une pratique qui porte son propre bien ? Peut-elle contribuer à parfaire l’art de designer ?

Bibliographie

Haldane, J. (2004). Alasdair MacIntyre. Dans Canto-Sperber, M. (Éd.). (2004). Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (4. éd. rev. et augmenté). Presses Universitaires de France.

Higgins, C. (2010). World of Practice : MacIntyre’s Challenge to Applied Ethics. Journal of Philosophy Education, 44, 237–273.

Knight, K. (2008). Practices: The Aristotelian Concept. Analyse und Krittik, 30 (1), 317-329.

MacIntyre, A. C. (2014 [1984]). Après la vertu : Étude de théorie morale. Presses Universitaires de France.

Proulx, S. (2019). Questioning the Nature of Design Activity Through Alasdair MacIntyre’s Account of the Concept of Practice. The Design Journal, 22(5), 649–664.

Resnick, E. (2019). The social design reader. Bloomsbury Visual Art.

Tromp, N., et Hekkert, P. (2017). Designing for Society : Products and Services for a Better World. Bloomsbury Visual Arts.

Vial, S. (2015). Le design (1re éd.). Presses universitaires de France.

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Comparer les infrastructures. Introduction aux webinaires sur les systèmes nationaux de formation en design

par Philippe Gauthier

La discussion ouverte à l’hiver 2021 par le groupe Design et société sur les systèmes nationaux de formation en design vise à dresser un portrait des systèmes nationaux de formation et de recherche en design, c’est-à-dire un portrait des conditions, sociales, culturelles, politiques, économiques et institutionnelles dans lesquelles la discipline se développe sur le plan local. Ce thème d’étude et de discussion s’inscrit dans un projet plus vaste dont l’objectif est d’analyser la dynamique de cette discipline en tenant compte de la diversité des milieux institutionnels qui la façonnent. Le postulat est ici que la discipline du design, la nature des pratiques de recherche qu’elle rassemble, les standards que ses acteurs partagent, leurs modes de régulation et l’état de leurs institutions ne peut être réellement compris qu’à la lumière de la variété des écosystèmes socio-culturels, politiques et économiques dans lesquels elle se développe.

J’aimerais souligner d’emblée que beaucoup de discussions auxquelles j’ai pu participer ou qui ont fourni la matière première à de nombreux arguments à propos de la discipline du design me semblent fondées sur un malentendu. Quand on s’intéresse aux pratiques constitutives de la discipline du design, il est essentiel de savoir distinguer les pratiques mises en œuvre dans l’exercice professionnel du design de celles adoptées par les membres des établissements de recherche et de formation post-secondaires en design. C’est là un argument que j’ai déjà abordé dans un précédent article (Gauthier, 2015). Bien que ces deux types d’activité impliquent des tâches qu’on peut appeler « de recherche », il est important de comprendre qu’elles ne sont pas mises en œuvre dans le même contexte, n’obéissent pas aux mêmes impératifs et n’ont pas les mêmes finalités. Mais, souligner que les pratiques de recherche dont il est ici question sont celles adoptées par les membres des établissements de recherche et de formation post-secondaires, ne réduit qu’à moitié l’ambiguïté. En effet, ces établissements comptent de plus en plus de membres qui, adoptant la recherche-création, contribuent à brouiller les frontières entre la production de connaissances telle qu’elle est considérée dans la tradition de l’université moderne et la production de connaissances telle qu’elle est attendue d’un professionnel. Dans les deux cas, les pratiques sont façonnées par des contextes fort différents et doivent s’aligner sur des standards parfois incompatibles. Cette distinction, qui me semble essentielle, n’implique aucun jugement de valeur quant aux standards et aux pratiques engagés dans ces deux contextes. Du reste, et peut-être pour rajouter aux ambiguïtés mentionnées, il est important de ne pas oublier que ces pratiques et ces standards sont étroitement liées, étroitement dépendants les uns des autres. Donc, pour ma part, quand j’emploie le mot discipline, ce que je souhaite circonscrire ce sont ces pratiques de recherche et d’éducation ancrées dans le monde universitaire, ou post-secondaire, vouées à apporter ce que j’appellerais les enrichissements cognitifs, conceptuels, méthodologiques, voire théoriques, nécessaires à la formation et qui contribuent aux diverses formes de régulations sociales et culturelles de ce que je crois être cette communauté de pratique du design constituée de diverses catégories d’acteurs.

Un des enjeux récurrents des conversations savantes qu’entretiennent les chercheurs en design concerne le caractère disciplinaire de leurs pratiques de recherche. Ces pratiques y sont présentées tantôt comme les témoins d’une « interdiscipline », tantôt comme les produits d’une « transdiscipline », voire d’une « indiscipline » (Gentès, 2017 ou Durling et al., 2008). Plusieurs de ces discours célèbrent l’état d’instabilité et de versatilité dans lequel se maintiendrait l’ensemble des pratiques de recherche en design malgré une histoire qui leur garantit maintenant une place stable dans de nombreuses universités à travers le monde. D’autres discours suggèrent plutôt de considérer l’instabilité du design comme le propre d’une « proto-discipline », soulignant les enjeux de la construction de standards communs dans des réseaux de pratiques émergents. Je fais ici référence au modèle de la couronne de pain souvent évoqué par Alain Findeli pour montrer comment le design, au centre vide de la couronne, se développe, ou se remplit, au contact d’un ensemble d’amitiés disciplinaires fournissant la nécessaire mie (Findeli, 2019, p. 11).

Parallèlement, l’extension du design à de multiples secteurs économiques et champs problématiques, qui s’est accélérée depuis les 20 dernières années, a contribué, à sa façon, à renforcer cette image de fragmentation, ou cet équilibre instable qui caractérise la discipline. Si l’étiquette « design » permet maintenant à de nombreuses catégories d’experts de se réclamer d’un ensemble de pratiques professionnelles apparentées, la diversité institutionnelle, la diversité des établissements de formation qui a accompagné cette extension sectorielle tend à mettre à l’épreuve la possibilité d’une reconnaissance mutuelle, voire d’une équivalence des pratiques, tant de recherche que professionnelles.
Globalement, la littérature savante ayant fait du développement disciplinaire du design son objet d’études semble s’être concentrée sur les facteurs internes à cette discipline, c’est-à-dire ses pratiques mêmes, ses problèmes, ses méthodes d’enquête, ses modes de raisonnement.

Pour un premier échantillon de travaux majeurs à ce sujet on peut se référer à un article écrit par Horst W.J. Rittel en 1966, mais publié en 1971 dans le Journal of Architectural Education (Rittel, 1971) qui s’intéresse aux « teachable abilities » et au sommaire des actes du colloque de la DRS de La Clusaz (Durling et Friedman, 2000) dont seulement 8 des 57 articles ne semblent pas traiter de ces questions épistémologiques. De même, le récent projet de réflexion lancé notamment par Don Norman (Meyer et Norman, 2020) se concentre sur l’actualisation des contenus de formation en design à travers le monde. L’exception à la règle de ce premier corpus vient peut-être des actes de la conférence Doctoral Education in Design (Buchanan, 1998) qui, si l’on en croit les titres du sommaire qui affichent une perspective à la fois internationale (USA, Canada, Australie, Brésil, Turquie, Chine, Japon) et intersectorielle (mode, produit, etc.), semble vouloir s’éloigner de ces questions épistémologiques.

Ces travaux, et ces préoccupations pour les questions liées à la discipline, ont conduit à de nombreuses réflexions sur l’enseignement du design, facteur central de la stabilité disciplinaire.
À ce titre, les actes de la conférence Doctoral Education in Design semblent bien rendre davantage justice à la diversité institutionnelle qui caractérise la discipline du design et qui se manifeste notamment dans ses établissements de formation. On y voit des articles mettant côté à côte la présentation de systèmes, ou de programmes de formation, américains, canadiens, turques, japonais, chinois, australiens, et on y traite des secteurs industriels, graphique et de la mode. Dans le monde du design, traversé par diverses traditions de pratiques, un tel effort de comparaison institutionnelle apparaît particulièrement bienvenu. Qu’y a-t-il donc de commun entre le designer de mode formé dans des écoles encore dominées par la relation maître-élève et le designer d’interactions issu de filières universitaires où les standards d’excellence sont régulés par les pratiques de l’université contemporaines ? Quel projet commun engage le devenir des designers web formés dans les écoles techniques, et les designers d’espace issus des filières de l’architecture ?

De la même façon, mais de manière périphérique, le propos de Meyer et Norman (2020) suggèrent également que la diversité institutionnelle est une réalité sur laquelle il faut compter pour réformer l’éducation des designers. C’est du moins ce qu’on peut voir dans la catégorisation assez générique qu’ils proposent des écoles autonomes versus les écoles incluses dans des établissements universitaires multidisciplinaires (p. 24).

Mais cette diversité institutionnelle n’a pas toujours été prise en compte convenablement et les obstacles qu’elle oppose à tout projet de compréhension de l’état d’avancement disciplinaire en design semblent souvent passer sous silence. La comparaison de l’histoire disciplinaire du design avec celle des autres disciplines n’apporte pas toujours l’éclairage attendu car ces comparaisons supposent trop souvent une équivalence entre ces histoires. Face à d’autres disciplines, qu’il s’agisse de la communication chez Klaus Krippendorff (1998), ou du management, du droit, de la médecine ou de la science informatique chez Meyer et Norman (2020), les institutions disciplinaires du design apparaissent bien difficile à fédérer. En outre, Krippendorff compare l’histoire des départements de communication, anciennement de journalisme, au développement des départements de design sans vraiment souligner que le design est un amalgame de traditions, un amalgame d’institutions autonomes : art, artisanat, technique, aujourd’hui sciences humaines et sociales, gestions.

En somme cette conversation, aujourd’hui ancienne, sur la discipline du design nous semble avoir laissé le plus souvent de côté l’analyse des facteurs institutionnels et socioculturels qui jouent un rôle dans la construction des disciplines. Quand ces facteurs sont considérés, la difficulté à comprendre leur variété et comprendre les aboutissants d’une telle variété agit comme un véritable frein à l’analyse. C’est donc en suivant cette piste, qu’on pourrait appeler, à la suite de Leigh Star (1999), la piste des infrastructures disciplinaires du design, que nous souhaitons analyser l’apparent état d’instabilité et de versatilité de ces pratiques de recherche et de formation.

Il est difficile de tracer les limites du domaine de l’infrastructure de formation. Comme le souligne Leigh Star (1999, p. 380), ce que nous étudions n’est une infrastructure que du point de vue de l’étude de la discipline et de la pédagogie. Étudié du point de vue administratif, ou gestionnaire, c’est un sujet central d’analyse. De même, pour un habitant de l’École de design de l’Université de Montréal, les ateliers de fabrication au sous-sol, l’aile des ateliers d’enseignement, les enfilades de bureaux de professeurs, les portes à combinaison des ateliers informatiques font partie du décor normal de la formation. On a tous visité des établissements de formation qui, parce qu’elles exploitait une toute autre infrastructure, nous ont fait réaliser l’existence de cette infrastructure et de ses variations. L’infrastructure n’apparaît plus aux yeux de ceux qui à force d’usage, s’y sont familiarisée. Elle est une concrétisation de conventions. Elle présente une certaine permanence et déborde les situations.

Eric Klinenberg (2018) reprend ce concept d’« infrastructure sociale », en lui ajoutant une dimension normative qui le rapproche du modèle des capabilités. Ainsi, il y aurait des infrastructures disciplinaires susceptibles d’offrir des conditions de réalisation plus favorables que d’autres, comme il y aurait des infrastructures sociales, comme les bibliothèques publiques, essentielles pour maintenir, voir favoriser le vivre ensemble des communautés.

Une des difficultés que présente cette stratégie réside dans les différences marquées qui existent entre les systèmes nationaux de formation et de recherche en design. On l’a vu chez Findeli, Norman, Krippendorff, certains chercheurs en design, les plus expérimentés, bénéficient d’une vue panoramique de ces variations notamment nationales. Ainsi, une partie de la littérature sur la formation en design offre au moins un aperçu de ces variations institutionnelles. Mais les portraits ainsi offerts n’ont pas toujours pour objectif d’être compréhensifs. On peut même se demander s’ils ne visent pas à neutraliser le fait de cette diversité pour circonscrire un noyau de pratiques commun, plutôt qu’à comprendre comment ces idiosyncrasies nourrissent l’instabilité disciplinaire en design, sa versatilité, sa fragilité, sa labilité, sa permanente jeunesse ou son immaturité crasse. Quoiqu’il en soit, ces descriptions assujetties à des objectifs de théorisation rendent difficile pour quiconque souhaite comprendre la dynamique disciplinaire en design, d’intégrer ce fait de la disparité institutionnelle dans les modèles proposés. Et parmi ces spécificités nationales, celles qui sont les plus déterminantes pour comprendre l’état de la discipline du design restent souvent inaccessibles aux chercheurs issus d’autres horizons géographiques.
Ainsi, le projet de compréhension de la discipline du design nous semble nécessiter la mise en place de passerelles visant à assurer le partage des idiosyncrasies institutionnelles locales, leur cartographie et leur analyse comparative. Et c’est dans ce but que ce cycle de webinaires sur les systèmes nationaux de formation en design est consacré.

Bibliographie

Buchanan Richard. (dir.), 1999, Doctoral education in design: proceedings of the Ohio Conference, October 8-11, 1998, Pittsburgh, Pa., School of Design, Carnegie Mellon University.

Durling David, Rust Chris, Chen Lu, Ashton Philippa, et Friedman Ken, 2008, Undisciplined! – DRS International Conference 2008, Sheffield.

Durling David et Friedman Ken (dir.), 2000, Foundations for the Future – Doctoral Education in Design, 2000, La Clusaz, France, Staffordshire University Press.

Findeli Alain, 2018, « Esthétique et responsabilité en design », in Philippe Gauthier, Sebastien Proulx, et Fabienne Münch (dir.), Transformer, innover, dérégler, Montréal, Design et societé : 11‑22.

Gauthier Philippe, 2015, « Création contre science en design, les conditions d’un vrai débat : réponse à Lysianne Léchot Hirt », Sciences du Design, n° 2 : 65‑65.

Gentes Annie, 2017, The In-Discipline of Design: Bridging the Gap Between Humanities and Engineering, Cham, Springer International Publishing.

Parry Marc, 2020, « The New Ph.D. », The Chronicle of Higher Education, vol. 66, n° 22.
Star Susan Leigh, 1999, « The Ethnography of Infrastructure », American Behavioral Scientist, vol. 43, n° 3 : 377‑391.

Klinenberg Eric, 2018, Palaces for the people: how social infrastructure can help fight inequality, polarization, and the decline of civic life, First edition.New York, Crown.

Krippendorff Klaus, 1998, « A Field for Growing Doctorates in Design? », in Doctoral Education in Design. Proceedings of the Ohio Conference 1998.

Meyer Michael W. et Norman Don, 2020, « Changing Design Education for the 21st Century », She Ji: The Journal of Design, Economics, and Innovation, vol. 6, n° 1 : 13‑49.

Rittel Horst, 1971, « Some Principles for the Design of an Educational System for Design », Journal of Architectural Education, vol. 26, n° 1‑2 : 16‑27.

Enregistrement vidéo du séminaire*

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*Le texte proposé ici ne reprend que la première partie de cette séance, soit l’introduction du cycle. La seconde partie, consacrée au système de formation québécois, fera l’objet d’un billet ultérieur.

Webinaire Design et Société 2021 : Les systèmes nationaux de formation en design

Cette série de webinaires programmée à l’hiver 2021 vise à dresser un portrait des systèmes
 nationaux de formation et de recherche en design, c’est-à-dire un portrait des conditions, sociales, culturelles, politiques, économiques et institutionnelles dans lesquelles la discipline se développe sur le plan local. Ce thème d’étude et de discussion s’inscrit dans un projet plus vaste dont l’objectif est d’analyser cette dynamique disciplinaire en tenant compte de la diversité des milieux institutionnels qui la façonnent.

Un des enjeux récurrents des conversations savantes qu’entretiennent les chercheurs en design concerne le caractère disciplinaire de leurs pratiques de recherche. Ces pratiques y sont présentées tantôt comme les témoins d’une « interdiscipline », tantôt comme les produits d’une « transdiscipline », voire une « indiscipline ». Plusieurs de ces discours célèbrent l’état d’instabilité et de versatilité dans lequel se maintiendrait l’ensemble des pratiques de recherche en design malgré une histoire qui leur garantit maintenant une place dans de nombreuses universités à travers le monde. D’autres soulignent les enjeux d’une discipline dont les standards de pratique seraient encore en construction. Globalement, un survol de cette littérature savante tend à montrer que les portraits qui sont dressés du développement disciplinaire en design se sont principalement concentrés sur les facteurs internes à ces pratiques, ses problèmes, ses méthodes d’enquête, ses modes de raisonnement. Cette conversation laisse généralement de côté les facteurs institutionnel et socioculturel qui jouent pourtant un rôle essentiel dans la construction des disciplines. C’est donc en suivant cette piste, qu’on pourrait appeler la piste des infrastructures de formation en design, que nous souhaitons analyser l’apparent état d’instabilité et de versatilité de ces pratiques de recherche.

Une des difficultés que présente cette stratégie réside dans les différences marquées qui existent entre les systèmes nationaux de formation et de recherche en design. Et parmi ces spécificités nationales, celles qui sont les plus déterminantes pour comprendre l’état de la discipline du design sont parfois inaccessibles aux chercheurs issus d’autres horizons géographiques. C’est donc au partage et à la cartographie de ces idiosyncrasies nationales qu’est destiné ce cycle de webinaires Design et société 2021.

L’ensemble des chercheurs et chercheures qui assurera l’animation de ces séances permet de couvrir une large partie des pays de la Francophonie, de même qu’une partie de l’Amérique du Nord. Ce premier cycle d’étude permettra également d’établir des questions communes et d’explorer les enjeux saillants de l’évolution des pratiques de recherche en design à travers une partie du monde.

Les séances de webinaire ont lieu les vendredis matin, de 9:00 à 11:00 (heure de Montréal, Qc), suivant le calendrier irrégulier suivant :

5/02 | Ouverture du séminaire, le système québécois
Philippe Gauthier Ph.D., Université de Montréal

19/02 | Le design, un art à parfaire : enquête (à venir) sur la pratique des designers sociaux
Thomas Coulombe-Morency, Université de Montréal

26/02 | Les infrastructures de formation en design : la France
Jocelyne LeBœuf, DEA, L’École de design Nantes-Atlantique

19/03 | La Belgique
Yaprak Hamarat Ph.D., Université de Liège
et Çiğdem Yönder, Université de Liège

9/04 | Séance reportée au 14/05

30/04 | La Tunisie
Imen Ben Youssef Zorgati Ph.D., Design et société

14/05 | Les États-Unis
Fabienne Münch Ph.D., Université de Chicago
et Sébastien Proulx Ph.D., The Ohio State University

21/05 | La Turquie
Yaprak Hamarat Ph.D., Université de Liège
et Çiğdem Yönder, Université de Liège

Les séances sont ouvertes au public et ne nécessitent pas d’inscription préalable. Elles se déroulent sur la plateforme Zoom, à l’adresse suivante :

https://umontreal.zoom.us/j/95468795138?pwd=Y2pQZm9xZmg1SEFMOWRDZE1qRU1hZz09

ID de réunion : 954 6879 5138
Code secret : 723860